La surveillance du nouveau-né en maternité doit être rapprochée durant les premiers jours afin de s’assurer de sa bonne adaptation à la vie extra-utérine : les paramètres vitaux (fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, température, éventuellement saturation en oxygène) doivent être vérifiés chez tous les enfants au moins à la naissance, puis régulièrement en fonction du contexte. Chez les nouveau-nés présentant un contexte particulier (par exemple risque d’infection néonatale, ictère, contexte de diabète gestationnel chez la mère, détresse respiratoire) ou présentant un examen clinique inhabituel, la surveillance doit être renforcée et complétée par d’autres paramètres d’évaluation : la surveillance de l’hypoglycémie est alors primordiale.
Mme F. est une primipare de 25 ans sans antécédent particulier : sa grossesse a été suivie à la maternité d'une clinique privée et est sans particularité, le fœtus est estimé eutrophe.
À 40 SA, la patiente se présente aux urgences en travail spontané ; il se déroule sous analgésie péridurale selon le souhait de Mme F. À 9 cm, le tracé du rythme cardiaque fœtal présente des ralentissements tardifs répétés à 50 battements par minute et le liquide amniotique est méconial. Une césarienne en urgence est décidée par le gynécologue de garde. 45 minutes plus tard, le nouveau-né de 3300 g est extrait, l'Apgar est coté à 8/9/10/10, le pH est de 7,14, les lactates à 9,5. Un allaitement maternel précoce est débuté. Les suites immédiates de la césarienne sont simples.
Le lendemain, le nouveau-né présente un ictère précoce sur une polyglobulie : l'examen pédiatrique montre en outre une hypotonie axiale et un réflexe de succion imparfait. Le bilan biologique réalisé montre un taux d’hémoglobine à 21,4 g/dL et un taux d’hématocrite à 65,5 %. La CRP est mesurée à 33 mg/L. Une photothérapie discontinue est débutée dans le service de maternité.
24 heures plus tard, le nouveau-né présente un accès de cyanose ; la glycémie est normale selon le pédiatre, le nouveau bilan réalisé montre une baisse de la CRP. L'échographie transfontanellaire est normale. Le pédiatre contacte alors son homologue du centre hospitalier de recours pour un avis ; un transfert et une surveillance en service de néonatologie sont préconisés.
Le SMUR arrive pour le transfert quelques heures plus tard : l'équipe se compose d'un médecin urgentiste et d'une puéricultrice qui constate que le nouveau-né pleure beaucoup et semble inconsolable. Il présente une cyanose péribuccale et des extrémités, ainsi que des trémulations des membres inférieurs. Il adopte une position en opisthotonos (arqué en arrière).
Le nouveau-né est alors scopé : la T° est de 36,8, la saturation de 97 %. La glycémie capillaire indique un taux de 0,20 g/L. La puéricultrice tente de poser une voie veineuse périphérique mais n'y parvient pas ; elle pose alors une sonde nasogastrique et administre du G30 %. La nouvelle tentative de pose de voie veineuse se solde par un échec, le dextro est toujours à 0,20 g/L.
Le médecin du SMUR est alors sollicité pour une autre intervention et souhaite un départ rapide pour le CHU ; ni le pédiatre ni les infirmières de la clinique ne sont sollicités pour aider à la pose d'une voie veineuse ou d'un KTVO (cathéter veineux ombilical) afin de sécuriser le transport.
L'administration en continu de G10 % est effectué dans la sonde nasogastrique pendant la durée du transport : le nouveau-né présente alors des nausées engendrant des désaturations à 84 %, résolues en redressant l'enfant. La puéricultrice souhaite recontrôler la glycémie mais le médecin préfère laisser dormir le nouveau-né.
30 minutes plus tard à l'arrivée au CHU, le contrôle de glycémie est incalculable (noté "low" sur l'appareil) : une voie veineuse épicrânienne parvient à être posée. L'examen clinique montre une fontanelle bombée et un abdomen ballonné, l'auscultation est normale mais le nouveau-né semble toujours très irritable avec des pleurs continus et une attitude toujours en opisthotonos. Un traitement pour corriger l’hypoglycémie persistante est prescrit et administré (Pédiaven®) ainsi qu’un traitement antalgique par paracétamol en systématique.
Le lendemain, l'EEG réalisé est normal, à noter une "asymétrie passagère dans les dysrythmies du sommeil profond des zones antérieures", le bilan biologique est normal. Un KTVO est posé, l'hypoglycémie est traitée par supplémentation glucidique et par une alimentation entérale enrichie en dextrine-maltose et Liquigen®. Les douleurs abdominales et un important érythème fessier sont traités par morphine IVSE.
À J4, malgré la normalisation des glycémies, des épisodes d’opisthotonos se reproduisent. L’enrichissement nutritif est poursuivi jusqu'à J8. Les examens biologiques pour tenter de trouver une étiologie métabolique aux hypoglycémies sont sans résultats concluants.
À J15, le tonus périphérique est satisfaisant, il persiste une "légère hypotonie axiale et des tremblements d'attitude".
Un suivi en Centre d'Action Médico Sociale Précoce (CAMSP), une consultation mensuelle avec le pédiatre de l'hôpital et une IRM à 1 mois sont planifiés.
Le retour à domicile est effectif à J20.
Une analyse de cet événement indésirable est réalisée a posteriori. La méthode ALARM est retenue.
Retard de diagnostic et de prise en charge d'une hypoglycémie néonatale sévère entraînant des séquelles neurologiques.
Un défaut de surveillance est souvent à l’origine de la survenue d’événements indésirables.
Dans notre cas, la prise en charge du nouveau-né aurait pu être améliorée par un dépistage précoce de l’hypoglycémie. Même si les actions correctives mises en place ont permis d’améliorer son état de santé, il aurait été préférable que les protocoles soient connus des équipes de la clinique, ce qui aurait évité un stress pour les parents, un transfert et une durée de séjour très allongée.
Les examens cliniques et paracliniques réalisés durant les premières années de l'enfant permettront d'être sûrs de l'absence de conséquences neurologiques.